synonymes : craniosynostose – craniosynostosis
en 2 mots
le diagnostic de craniosténose est généralement aisé et rapide, devant des modifications caractéristiques de la morphologie, de la croissance et des proportions du crâne.
il est cependant nécessaire de réaliser des imageries à visée pré-opératoire, et un bilan génétique dans les formes atypiques, complexes ou entrant dans le cadre de syndromes (ensemble de malformations).
dans certains cas, le diagnostic est fait en anténatal.

est-ce bien une craniosténose ?
il existe des diagnostics différentiels fréquents :
- le crâne oblique positionnel, improprement appelé plagiocéphalie postérieure
- la fermeture physiologique de la suture métopique : elle survient entre 4 et 9 mois en général ; sa fermeture au delà de cette date est normale.
-
la grande fontanelle petite : la taille de la fontanelle est très variable, elle se ferme en général à partir de 8 mois ; sa petite taille n’a pas d’incidence sur la croissance crânienne ; la grande fontanelle n’est que le carrefour des sutures, ce sont elles qui sont importantes.
déformation anténatale ; correction spontanée à un mois - la déformation crânienne néo-natale (cranial moulding) : due à une compression intra-utérine, elle se corrige spontanément en quelques semaines après la naissance.
le crâne grandit-il correctement ?
quantitativement

la courbe de périmètre crânien, sur la courbe du sexe correspondant, corrigée en fonction de la date de naissance théorique si nécessaire, doit être parallèle à la moyenne ; il existe des variations entre individus, mais un fois sur un couloir, on doit y rester.
le PC est habituellement supérieur à la normale dans la scaphocéphalie car le volume crânien est conservé (du moins initialement) alors que la forme est étirée. le PC devient progressivement inférieur à la normale dans la brachycéphale et l’oxycéphalie ; ceci survient tardivement, une stagnation précoce du PC est plus souvent due à une microcéphalie vraie.
qualitativement
- les proportions sont-elles canoniques ? pour apprécier au mieux les proportions, on utilise le compas céphalométrique (ci-contre) pour calculer l’indice céphalique (largeur/longueur*100), qui est en moyenne de 75 à la naissance. l’IC peut cependant être trompeur par exemple du fait du bombement temporal dans la scaphocéphalie (Cf. ci-dessous).
la mesure peut aussi être faite sur l’imagerie (cf. ci-dessous).
- le bandeau frontal est-il harmonieux ? en se plaçant au dessus de l’enfant, on apprécie au mieux un recul orbitaire unilatéral (plagiocéphalie) ou symétrique (trigonocéphalie)
- le visage est-il asymétrique ? le recul frontal, le menton qui pointe du côté opposé signent la plagiocéphalie vraie ; pour les parents, le test du miroir (se regarder dans une glace avec son enfant dans les bras) est souvent éclairant.
y a-t’il un retentissement intracrânien ?

en dehors des rares crânes en trèfle, il n’y a en général pas de compression cérébrale, du moins initialement.
sur le long terme cependant, les craniosténoses multisuturaires (brachycéphalie, oxycéphalie) se compliquent souvent d’hypertension intracrânienne qui retentit sur :
- la vision : oedème papillaire et risque de cécité
- le développement intellectuel
- les céphalées rarement
- la charnière cranio-cervicale avec syndrome de Chiari
on a également mis en évidence un possible retentissement lié à l’hypertension intracrânienne ou à la compression focale : frontale (trigonocéphalie) ou pariétale (scaphocéphalie). les preuves scientifiques semblent devenir plus solides mais restent encore insuffisantes pour décider de l’opération sur la seule base de cette hypothèse.
y a-t’il une faciosténose ? y a-t’il un contexte syndromique ?
une craniosténose apparemment simple peut être le début d’une maladie plus complexe par fermeture asynchrone de plusieurs sutures du crâne et de la face.
on recherche toujours les anomalies suivantes qui orientent vers un caractère syndromique :
- des signes de faciosténose : exorbitisme, rétrusion maxillaire, anomalies occlusales, troubles de l’aération tympanique
- des anomalies des oreilles ou des doigts, des malformations d’autres organes
il peut exister une mutation d’un gène « classique »
dont la craniosténose est l’élément cardinal : FGFR, Twist, ERF, TCF12, etc.; c’est en particulier le cas dans les sténoses intéressant le système coronal, mais aussi la suture lambdoïde, plus rarement la sagittale ou la métopique.
il peut exister d’autres éléments syndromiques :
- un contexte environnemental (fœtotoxicité au Valproate, alcoolisme foetal)
- une mutation autre moins classique, dont la craniosténose est un élément
accessoire
- une association à d’autres malformations (par exemple dysraphiques) dans un contexte non étiqueté (maladie orpheline)
- un contexte familial. ceci est en particulier retrouvé dans les craniosténoses métopiques
quel est le retentissement morphologique ?
chez le nourrisson, la dysmorphie peut être passée inaperçue ; la craniosténose peut par ailleurs être harmonieuse ; c’est le cas en particulier de l’oxycéphalie, où l’absence de dysharmonie est trompeuse car il existe une HTIC.
le retentissement morphologique est d’autant plus important que la déformation est asymétrique ; (Cf. le test du miroir pour la plagiocéphalie).
chez l’enfant d’âge scolaire, les moqueries, non toujours exprimées, et le harcèlement peuvent être une source de souffrance importante et justifier une intervention. les surnoms imposés aux enfants par leurs pairs sont tristement éclairants.
il faut cependant savoir faire la part de la dysmorphophobie (surtout à l’adolescence) et des phobies scolaires, un bilan psychologique est donc nécessaire chez les grands enfants.
quand faire des radios ou un scanner ?
les examens à rayons X sont à réaliser avec parcimonie, en les justifiant.
les radios simples
elles irradient peu (dose équivalente à 10 jours d’exposition aux radiations naturelles) mais leur rendement est limité. elles sont souvent superflues pour diagnostiquer la craniosténose ; elles sont d’autre part insuffisantes pour décider de la conduite à tenir. de plus, la coronale est souvent mal vue car disposée en biseau. les radios simples ont comme principal intérêt de distinguer à moindre coût
- une déformation positionnelle d’une craniosténose vraie (en particulier lambdoïde)
- une scaphocéphalie d’une dolichocéphalie (crâne allongé non synostotique)
le scanner
bien qu’il irradie plus (dose équivalant à une année d’exposition aux radiations naturelles) et nécessite souvent une sédation, il est malgré tout nécessaire dans un but pré-opératoire pour :
-
- confirmer la fermeture de la suture incriminée (qui est parfois atypique)
- s’assurer de l’absence d’autre fermeture de suture (surtout dans la scaphocéphalie)
- s’assurer de l’absence d’anomalie intra-crânienne (hydrocéphalie, Chiari)
- réaliser des mesures pour planifier la correction chirurgicale de la malformation (surtout dans la plagiocéphalie)
l’IRM
elle a pour but d’étudier le cerveau, ses enveloppes et ses vaisseaux. elle permet d’étudier la malformation de Chiari. elle l’irradie pas mais nécessite une sédation, et ne peut donc être considérée comme totalement non-invasive, mais elle est particulièrement indispensable dans les brachycéphalies, surtout dans un contexte syndromique.
quand demander un conseil génétique ?
la grand majorité des scaphocéphalies et trigonocéphalies surviennent en dehors d’une mutation génétique. en gros, on considère que les sténoses du système sagittal sont plutôt de causes environnementales, alors que celles du système coronal sont plus d’origine génétique. on conseillera à la famille de demander une consultation génétique :
- pour toutes les brachycéphalies et oxycéphalies
- pour les cas familiaux
- pour les cas associés à d’autres anomalies (contexte syndromique)
- mais pas pour les scaphocéphalies isolées
en fait le domaine « non génétique » est amené à rétrécir à mesure que nos connaissances en génétique s’étendent. une consultation de génétique est légitime pour toute famille qui souhaite mieux comprendre la craniosténose de son enfant.
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